Bernard Cazeneuve, alliance de volonté et de discrétion
Au cœur de la politique française depuis les années 90, Bernard Cazeneuve maintient pourtant une présence discrète, loin du brouhaha médiatique. Mais dans l'exercice du pouvoir, l'élégance ne suffit pas : il faut également une vision et une volonté de fer. L’ancien Premier Ministre, aujourd’hui à la tête de son propre mouvement, veut incarner le retour à une politique raisonnée. Il sera l’invité des Journées de l’UCLy le 9 mars à 18 h pour la conférence « La résilience démocratique au défi des crises » en dialogue avec l'économiste Patrick Artus.
Vulnérabilités Journées de l'UCLy
mis à jour le 9 mars 2023
UCLy
Au pouvoir face à la crise
La carrière de Bernard Cazeneuve est l’Histoire d’une ascension dans les règles, poursuivie sans brûler les étapes ni rater de marche. De ses débuts comme conseiller général de la Manche, il devient maire d’Octeville puis maire de Cherbourg, député de la Manche puis trois fois Ministre, et bientôt le Premier d’entre eux…
Bernard Cazeneuve a bâti sa réputation pendant la présidence de François Hollande, dont il sera l’un des fidèles. Il partage des points communs avec l’ancien Président : leurs opposants minimisent leur charisme, tandis que leurs collaborateurs louent deux travailleurs acharnés, pleins d'humour. Pendant ce quinquennat, Bernard Cazeneuve sera un homme de missions : aux Affaires Européennes il supervise le passage du pacte budgétaire européen, au Budget on lui confie un programme de diminution des dépenses...Pas toujours populaire, mais efficace.
Bien que Premier Ministre à la tête du plus éphémère gouvernement de la Vème République (150 jours), c’est surtout pendant son passage au Ministère de l’Intérieur qu’il s'est distingué. En 2015 et 2016, la France fait face à une série d’attentats terroristes, qui feront 250 morts à Paris (Charlie Hebdo, Bataclan) et à Nice. Comme Ministre, il organise la réponse de l’État, supervise l’état d’urgence et en traverse toutes les conséquences politiques. Comme il le raconte au journal Le Droit de Vivre : « Ce qui m’a surtout frappé au moment des attentats où la tension était à son paroxysme, c’est le grégarisme dont témoignaient certains commentaires politiques ou de presse, convergeant mécaniquement vers les mêmes questions convenues, alors même qu’on ne savait encore rien des drames qui venaient tout juste de se produire. »
Cette expérience de crises, d’attaques anti-démocratiques vécues au premier plan, viendra nourrir la discussion du 9 mars.
« Rompre avec l’outrance »
Après son départ du Gouvernement, c’est paradoxalement en quittant son parti de toujours, le PS, que Bernard Cazeneuve est revenu sur la scène politique. En désaccord avec l’alliance entre le PS et la Nupes, il imagine un mouvement « pétri de l’esprit de nuance » centré sur la social-démocratie, l’humanisme et l’écologie. « Une autre gauche est possible, qui rompe avec l’outrance et le sectarisme » explique-t-il.
Loin du pouvoir, on lui découvre un nouveau visage. Celui d’un homme d’opinion, presque frondeur malgré le ton toujours mesuré. Aujourd’hui, il porte un regard sévère sur la politique contemporaine. Dans une interview donnée au Parisien ce mois-ci, il tire à boulets rouges sur le débat de la réforme des retraites : « Le forum se fait barnum, et la recherche du buzz remplace celle du sens. »
Dans ce constat, on retrouve un enjeu majeur de la question posée lors des Journées de l'UCLy. Comment expliquer la crise de confiance qui touche les partis politiques ? La démocratie est-elle en perte de crédibilité ? Comment faire de la politique au rythme des réseaux sociaux ? Pour Bernard Cazeneuve, le constat est sans appel : « Nous avons désormais, le plus souvent, la vulgarité sans le talent et on cherche en vain les grandes voix pour résister à la pente funeste de l’abaissement. »
Patrick Artus
Patrick Artus est économiste et essayiste, spécialiste d’économie internationale et de politique monétaire. Membre du Cercle des économistes, il est actuellement professeur d’économie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et à la Paris School of Economics, il est également conseiller économique au sein du groupe Natixis. Patrick Artus est membre du Conseil d’Orientation de la Chaire d’Université dédiée aux Vulnérabilités de l’UCLy.